La démarche de demande de pardon doit rester personnelle, la Mémoire doit être partagée.

ste-declLes propos du ministre de la justice Stefaan De Clerck, sont inacceptables, mais guère surprenants !

A plusieurs reprises, depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, des tentatives de réhabilitation de ceux qui furent traîtres à leur patrie ont été faites. En 1998, le « décret Suykerbuyk » qui plaçait des inciviques sur le même pied que les victimes de guerre et qui visait à accorder une aide complémentaire à des personnes vivant dans une situation de précarité par suite de circonstances dues à la guerre, à la répression et à l’épuration a été votée. Certainement grâce aux voix des députés du CVP ( devenu CD&V) et de la Volksunie qui font appel au Vlaams Blok ( devenu Vlaams Belang) pour le faire adopter.

Immédiatement après le vote, quelques 120 recours en annulation auprès de la Cour d’arbitrage ont été introduits. Dont le Comité de Coordination des Organisations Juives de Belgique ( le CCOJB), que je présidais à l’époque, qui a introduit un recours en annulation complète du décret au nom de « l’Union des Déportés Juifs en Belgique – Filles et Fils de la Déportation », de « l’Union des Anciens Résistants Juifs de Belgique », de « l’Association l’Enfant caché » et de « l’Union des Anciens Résistants Juifs de Belgique ( U.A.R.J.B.)- Continuité », associations affiliées.
Mais aussi le ministre chargé des victimes de guerre, au nom de l’ensemble du gouvernement fédéral, plusieurs gouvernements et parlements régionaux ou communautaires francophones et également le Sénat et les villes martyres pendant les guerres, tout comme les anciens combattants et résistants, et donc la communauté juive (1).

Ce recours a été déposé car déjà nous ne pouvions accepter que des inciviques soient placés sur le même pied que les victimes de guerre, dont nous restons les représentants, les héritiers physiques, les légataires spirituels. Car déjà nous ne pouvions imaginer que des fonds publics servent à récompenser des personnes qui ont été condamnées pour leur collaboration avec le régime nazi.
D’autant plus que ceux qui avaient reconnu s’être trompés de camp ou regretté leur rôle dans la collaboration nazie pouvaient et ont toujours la possibilité d’exprimer leurs regrets et ainsi de bénéficier des dispositions de réhabilitation prévues par la loi Vermeylen de 1961. Car c’est une démarche individuelle, personnelle. Elle ne peut être collective.

Heureusement la Cour d’arbitrage a annulé le décret Suykerbuyk, qui ne sera jamais appliqué.

Mais aujourd’hui non plus, il n’est pas envisageable de rouvrir le dossier des années noires de la Seconde Guerre mondiale en Belgique si ce n’est pour analyser et tirer les conséquences du rapport du CEGES «La Belgique docile», commandé en 2004 par le gouvernement afin de déterminer les responsabilités des autorités de notre pays dans la spoliation et la déportation des Juifs de Belgique. Il n’a toujours pas connu de suite, pourtant attendue et nécessaire au travail de mémoire et de justice.

Aujourd’hui à nouveau, le CD&V, et Stefaan De Clerck en tête, la NVA
( héritière des nationalistes flamands les plus extrémistes, dont la VU), les fascistes du Vlaams Belang, et grande nouveauté et déception : avec l’aide des socialistes et des libéraux flamands, ils reviennent à la charge !

Il est temps que notre pays ose confronter son passé même dans ses plus douloureux épisodes car comme le disait Churchill : « un peuple qui oublie son passé est condamné à le revivre ».

Or, pour Stefaan De Clerck il est temps d’oublier ce passé, il l’a dit publiquement, sourire en coin. Alors nous lui signifions que c’est inacceptable! Car « la banalisation et l’oubli de l’extermination font partie de l’extermination »(2).

Si vraiment il persiste, qu’il s’en aille. L’amnistie, l’oubli, résonnent telles les dérives antidémocratiques, nationalistes, révisionnistes, qu’elles contiennent. Il est indigne pour un ministre fédéral, dans un gouvernement en affaires courantes ou non, de tenir de tels propos. L’amnistie, ou la réhabilitation des inciviques, est une atteinte aux valeurs démocratiques. Cette pseudo réconciliation constitue en outre une porte ouverte au négationnisme et/ou à l’oubli. L’on ne peut aujourd’hui, alors que le travail entamé sur les responsabilités des autorités belges n’a pas encore abouti, que l’antisémitisme se développe à nouveau et que le nationalisme reprend des forces, accepter que soient disculpés ceux qui ont collaboré avec les nazis. La démarche de demande de pardon doit rester personnelle, la mémoire doit être partagée.

(1) et (2) Christian Laporte, Le Soir, vendredi 15 octobre 1999

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