Avenue du Port: ‎300 platanes menacés par l’abattage, 1.500.000 pavés menacés de disparition…

ave-du-portJe suis intervenue à plusieurs reprises dans ce dossier! En avril et en mai 2011 j’ai interpellé Brigitte Grouwels, mais j’étais déjà intervenue sous la législature précédente en interpellant le ministre Pascal Smet sur le réaménagement de l’avenue du Port. Pour rappel voici mon interpellation de décembre 2010, suivie d’un ordre du jour motivé rejeté par la majorité.
Interpellation de Viviane Teitelbaum, députée MR, à Madame Brigitte Grouwels, Ministre chargée de la Mobilité et des Travaux publics, concernant le projet de réaménagement de l’avenue du Port en décembre 2010.

Madame la Ministre,
Cela fait plusieurs années déjà que l’on évoque le large réaménagement du quartier du Canal et en particulier de l’avenue du Port. Cette avenue est une grande voie pavée et arborée qui longe le site de Tour et Taxis. Il s’agit d’un axe structurant qui borde le canal rythmé par des alignements de platanes magnifiques Cet axe qui constitue un témoin privilégié du passé industriel de notre pays et de notre capitale, joue, encore de nos jours, un rôle dans le développement économique de la Région bruxelloise.

En effet, l’histoire de cette avenue est naturellement liée au développement du quartier maritime de Bruxelles et au site de Tour et Taxis. La transformation de cette voie et l’installation de pavés remonte ainsi aux débuts des années 1900, vers 1906-1907. A l’époque, le pavé constituait le meilleur matériau pour durcir les voiries et supporter les nombreux et lourds transports liés à l’activité portuaire du quartier. L’avenue du Port est donc la seule artère industrielle de cette dimension de notre capitale qui ait conservé la grande majorité de ses caractéristiques initiales et qui constitue, dès lors, le dernier témoin de l’importance de l’histoire des infrastructures industrielles et du développement du quartier maritime. Certes, elle n’a plus été entretenue depuis une quarantaine d’années et elle nécessite d’être remise en état. Mais ce n’est pas une raison pour la détruire entièrement et abattre les 300 platanes qui la bordent.

Le projet régional qui a reçu un permis consiste en le réaménagement complet de cette artère, réaménagement motivé essentiellement à l’époque par l’implantation du BILC. C’est pour répondre aux besoins de ce centre logistique qu’une série d’interventions et de travaux plus ou moins lourds et coûteux sont prévus.

Le projet prévoit ainsi trois zones de réaménagement qui vont transformer cette majestueuse avenue unitaire en trois tronçons ayant un statut différent, lui faisant ainsi perdre son aspect monumental: une première zone entre la place Sainctelette et la rue Picard ; une deuxième entre la rue Picard et le pont des Armateurs ; une troisième entre le pont des Armateurs et LOr, le profil actuel de l’avenue et ses très larges trottoirs (non aménagés car il s’agissait d’un axe industriel) permettent aisément l’installation de pistes cyclables spacieuses, de cheminements piétons confortables, de parkings et de voies de circulation automobile de type urbain, sans modifier radicalement le profil existant et en conservant les alignements d’arbres.

Outre le fait que l’on déciderait de remplacer un aménagement durable, qui dure depuis cent ans environ, en fonction de données purement circonstancielles, comme l’aménagement de la circulation selon des normes et des souhaits qui évoluent rapidement, on peut s’interroger sur la pertinence qu’il y aurait à traiter selon trois aménagements différents un des grands axes structurants de la Capitale, bordant le canal. Où est encore la structure si l’axe est « saucissonné » ?

A côté du réaménagement complet des lieux, deux modifications d’importance viendront compléter le tableau, à savoir le remplacement des pavés centenaires par des revêtements de bétons de couleur brune et l’abattage de plus de 300 platanes majestueux qui seraient remplacés par un alignement plus étroit et hors d’échelle d’arbres d’essences et de tailles différentes. L’alignement serait malheureusement interrompu sur certains tronçons importants, comme devant Tour et Taxis, par exemple.

Nous avons déjà, à de nombreuses reprises, mon groupe et moi-même, regretté l’abattage de ces arbres dont les racines constitueraient un obstacle à la réalisation de ce chantier pharaonique/démesuré. L’alignement monumental de platanes colonnaires datant de 1927 serait donc remplacé par diverses espèces d’une taille d’environ dix mètres : le noisetier de Byzance, le frêne rouge d’Amérique et l’érable ainsi que quelques tilleuls, rue Claessens. Il ne fait aucun doute que le changement d’échelle de l’avenue et l’alternance d’arbres d’essences et de tailles différentes sera d’un effet ridicule/déplorable, hypothéquant par la même occasion le succès du redéveloppement du site de Tour et Taxis qui est pour l’instant à l’étude.

S’il est évident que des travaux doivent être entrepris puisque les pavés sont déchaussés et l’avenue défoncée, nous pensons qu’il y a lieu d’avoir une réflexion sur la nature des travaux à mener. En effet, ce genre de chaussée pavée connaissant une très forte fréquentation et un charroi particulièrement lourd, était traditionnellement restaurée tous les 20 ans. Or le dernier redressement des pavés de cette artère date du milieu des années 1970, soit il y a plus de 40 ans ! Nous ne pensons pas qu’il ait beaucoup d’autre revêtement qui aurait pu résister plus de 40 ans durant aux poids lourds des « Transports Routiers Internationaux » installée sur l’avenue, soit plus de 600 poids lourds par jour.

Des travaux de restauration et de réparation de la voie pavés nous semblent tout à fait envisageable et souhaitable. La CRMS indique d’ailleurs que l’essentiel des pavés actuels pourraient dans ce cas être récupérés. Cette solution nous semble préférable que de remplacer ces 33.000 m² de pavés par un revêtement de béton de 80 cm de hauteur, exactement comme on le fait pour les autoroutes, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, comme nous l’avons évoqué plus haut pour des questions patrimoniales évidentes. Il nous parait, en effet, important de préserver le patrimoine pavé de notre pays et de notre région plutôt que de le détruire systématiquement.

D’autre part, ce revêtement présente des avantages écologiques indéniables. Le pavé est un matériau naturel extrêmement résistant, d’entretien régulier et aisé ainsi que de récupération quasi infinie. Sa mise en œuvre traditionnelle garantit une élasticité absorbant les chocs et les vibrations et permettant également la percolation naturelle des eaux de pluies. La surface pavée a également une influence positive sur les microclimats urbains a contrario d’autres matériaux tels l’asphalte (qui engendre un réchauffement notoire des températures de surface durant l’été) ou encore le béton coulé de grande épaisseur (qui stoppe le bénéfice de la géothermie et, par forte chaleur, empêche le rafraîchissement de l’atmosphère). Est-il bien raisonnable de faire fi de ces qualités et avantages à un moment où l’on s’interroge sur le réchauffement climatique et où l’on est sensé s’inscrire dans une exigence de développement durable ? Enfin, il est notoire que les revêtements pavés ralentissent naturellement la circulation motorisée sans devoir recourir aux différents artifices et obstacles physiques prévus à cet effet dans le projet. Les travaux prévus pour un tel aménagement des lieux ne sont pas non plus sans nous inquiéter. Il apparaît que la superficie concernée par les transformations est évaluée à quelques 30.000 m2, soit environ 15.000 tonnes de porphyre, matière naturelle et durable. A cela, il faut également ajouter l’enlèvement de terre (sur une profondeur de 80 cm), pour un poids de 50.000 tonnes. Sans compter, l’apport de nouveaux matériaux estimés à 65.000 tonnes. La réalisation de ces travaux représente donc 115.000 tonnes de matériaux à transporter, soit 5000 camions de 25 tonnes de charge.

Outre l’ampleur du chantier et du charroi lourd que l’évacuation des pavés va représenter, le nouveau réaménagement de la voirie et surtout les matériaux mis en œuvre (comparable à la construction actuelle des autoroutes) vont complexifier fortement toute intervention et réparation ponctuelle à l’avenir. Or, nous sommes en milieu urbain, avec une gestion des impétrants, indispensable et parfois imprévue.

Madame la Ministre, à plusieurs reprises, je suis intervenue auprès de votre prédécesseur pour lui demander de bien vouloir repenser ce projet. S’il nous paraît bien évident que des travaux sont indispensables à cet endroit, il y a lieu d’avoir une réflexion sur la nature et le développement de tout un quartier de Bruxelles dont l’avenir se joue en grande partie ici. A ce stade, et bien que le Gouvernement ait décidé le déplacement du Bilc qui motivait le réaménagement, il semble que vous souhaitiez poursuivre le projet puisque la Région a récemment lancé un appel d’offre pour la réfection de l’Avenue du Port.

Dès lors, Madame la Ministre, voici les questions que je souhaiterais développer à l’appui de mon interpellation :

– Tout d’abord, avez-vous fait procéder à une étude ou une analyse pour évaluer l’importance des travaux, les implications et les conséquences qu’ils engendreront notamment en termes de mobilité et de détérioration des infrastructures urbaines existantes dans les quartiers environnants ? Il faut y ajouter la perte, au niveau du paysage urbain, que cela consistera pour la Région entière mais, en particulier pour le quartier maritime de Bruxelles ainsi que pour l’avenir et le développement du site de Tour et Taxis. Ce site est aujourd’hui connecté de manière magistrale sur le centre et les boulevards de petite ceinture. Le futur parc régional qui y est prévu sera donc naturellement relié à la ville de manière lisible par un véritable Park System. Tout ceci est mis en péril par le projet. Par ailleurs, avez-vous établi un bilan carbone de cette opération et l’avez-vous comparé à l’alternative qui consiste à réparer correctement les pavés au lieu de tout remplacer par du béton ?

– Ensuite puisqu’il apparaît que de tels travaux nécessitent un financement considérable et que l’on connaît tous l’état des finances de notre Région, pourriez-vous nous faire part du budget prévisionnel des travaux dont vous disposez ? Celui-ci vous paraît-il réaliste, indispensable et compatible avec les ressources limitées dont dispose actuellement la Région ? Un comparatif avec le coût du réaménagement des lieux en restaurant le revêtement pavé a-t-il été envisagé ? Dans l’affirmative, pourriez-vous nous en donner le résultat ?

– D’autre part, pourriez-vous nous indiquer la durée estimée de ce revêtement avant les premières réparations ainsi que les coûts de gestion et d’entretien d’une telle voirie pour les 20 prochaines années ? Pourriez-vous ensuite faire la comparaison avec les frais de gestion engagés pour l’entretien de l’avenue ces 20 dernières années ?

– Enfin, Madame la Ministre, compte tenu des questions et des remarques qui précédent relayées également par un certain nombre d’institution comme la CRMS ou d’associations comme IEB ou le Bral, mais aussi par certains milieux économiques importants puisque les propriétaires du site de Tour et Taxis partagent leurs inquiétudes, avez-vous réellement envisagé des alternatives au projet tel qu’il est conçu actuellement ? Si oui, lesquelles et dans la négative, pourquoi car le projet n’est plus adapté à l’ensemble des considérations présentes au moment de sa conception et principalement à l’abandon du BILC ? Ainsi, s’il est vrai que l’introduction d’un nouveau permis peut sembler une perte de temps, les moyens financiers en jeu et les multiples conséquences négatives que ce projet engendrera nécessitent une véritable réflexion et, davantage même, un réexamen serein et sans tabou de ce dossier associant largement tous les acteurs et parties concernées.

La réponse de la ministre était scandaleuse, mais il faut le dire, soutenue par des membres de la majorité!

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