Le passé est dans le présent

il peut l’enrichir ou l’empoisonner.

Hier, 7 avril 2009, commémoration du génocide Tutsi à Bruxelles. J’y ai apporté et lu le message suivant.

Chers amis, votre histoire, c’est mon histoire.

Chers amis, depuis de nombreuses années je viens partager avec vous cette journée de souvenir et de mémoire. Depuis de nombreuses années, l’information et les commémorations alimentent un peu partout les médias. Que ce soit pour la Shoah, le génocide des Tutsis ou des Arméniens, pourtant dans les écoles les outils utilisés jusqu’ici pour sensibiliser les jeunes semblent ne plus porter leurs fruits. 

La transmission de la mémoire peut nous empêcher de commettre certaines erreurs, éviter de déclencher à nouveau des guerres. Une commémoration, le jour anniversaire, à une certaine date, traduit tant la nécessité de structurer  le souvenir que le besoin de se souvenir de ce qui nous hante. Car le passé est dans le présent, dit Elie Wiesel, il peut l’enrichir ou l’empoisonner. Comment dès lors dégager un sens, donner une direction pour que la mémoire ouvre des possibilités de délivrance ? 

Au Rwanda, lorsque le bourreau ne va pas en prison, qu’en pensent les victimes de tortures  ou les survivants du génocide et des viols ? En Belgique, en Europe quand les tortionnaires vivent librement et tiennent des propos négationnistes, qu’en pensent les survivants ?

Il ne faut pas politiser la mémoire, quels que soient les bords, dit encore Elie Wiesel. La mémoire doit être celle qui nous unit, pas celle qui nous sépare, certes. L’essentiel, surtout, est de ne pas banaliser la mémoire, ni de réécrire l’histoire. 

Mais comment ne pas se décourager et persévérer dans ce combat pour la démocratie et les Libertés, contre les discriminations et l’antisémitisme, contre les négationnismes, pour la Mémoire ? Cela me rappelle une histoire d’un apologue que j’ai lue un jour :

« Il était un homme résolu à sauver la plus pécheresse des cités. Il y arriva jeune, énergique, vigoureux, déterminé. Il alla de rue en rue, d’école en école, de marché en marché, exhortant les gens à s’amender, à n’être plus indifférents. 

Au commencement, les gens l’écoutaient car ils étaient amusés par ses propos. Puis ils s’arrêtèrent d’écouter. Après de longues années, un enfant l’aborda un jour dans la rue. 

« Pauvre étranger, lui dit-il, pourquoi, fais-tu cela ? Tu ne vois donc pas que cela ne sert à rien. » 
« Je le sais. » 
« Alors pourquoi continuer à crier ? »
« Je vais te le dire. Au début, je croyais que si je criais assez fort, je parviendrais à les changer. Maintenant je sais que je ne les changerai jamais. Mais si je crie toujours, et de plus en plus fort, c’est parce que je ne veux pas qu’ils me changent, moi »

Quant à moi je fais l’engagement de poursuivre ce combat pour la Mémoire afin que la Mémoire de nos disparus de tous les génocides ne soit pas tachée, afin que les jeunes puissent reprendre le flambeau de notre action, afin que le racisme et les discriminations soient combattus partout et toujours.

Car notre Mémoire, même si nous revendiquons le droit d’en exprimer le devoir, concerne tout le monde, nous concerne tous. Elle implique, bien entendu, la reconnaissance de son histoire et de ses responsabilités.

Et soyez assurés d’une chose, au nom de la démocratie, au nom de ceux qui ont perdu leur vie, au nom de ceux qui pleurent encore leurs familles disparues, ici même ou au Rwanda ou en Turquie, pour garder notre intégrité et notre dignité, je ne me tairai jamais.

2 thoughts on “Le passé est dans le présent

  1. Madame, Je tiens à vous féliciter pour ce texte fort et émouvant.
    Je souhaite vous alerter sur la disparition programmée des vestiges du Ghetto de Varsovie.
    En effet au 12 de la rue Prozna viennent de s’installer un café branché et un boutique d’objets design.
    Je tiens les photos à votre disposition.
    J’ai fondé un groupe sur Facebook, qui en 3 semaines a atteint 438 membres, pour sauver la mémoire du Ghetto, la mémoire de la résistance à la barbarie.
    Pourriez vous nous aider?
    Danièle Tabah
    6 rue Gustave Doré 75017 Paris

  2. Chère madame Teiltenbaum,

    Très touchée par votre écrit et votre engagement
    partage entièrement votre point de vue

    Crions,crions et que jamais personne ne nous change

    Une resacpée du génocide des Tutsis

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