Quel sursaut démocratique?

Vous êtes nombreux à m’interroger sur les événements qui se déroulent actuellement au Parlement fédéral ainsi que sur les propos tenus par certains membres du gouvernement.
Ma position est claire.

Il n’est pas question d’accepter un quelconque débat sur l’amnistie, ni une justification de la collaboration ; pas question non plus de permettre l’oubli, ni de laisser bafouer les valeurs démocratiques ou encore de travailler hors de tout cordon sanitaire.
De même, il n’est pas question d’instrumentaliser la Shoah, son souvenir, sa Mémoire ou ses victimes dans un débat politicien majorité contre opposition. Enfin, il serait inacceptable de justifier un comportement passé qui a mené à la mort et à l’extermination de la moitié des Juifs présents sur le territoire belge durant la guerre, comme d’accepter aujourd’hui qu’on crie « Mort aux Juifs » dans les rues de Bruxelles.

Commençons par le premier point. Moi, nous, démocrates, sommes les représentants, les héritiers physiques, les légataires spirituels des victimes de guerre. Tous nous devons réagir à toute tentative politique, parlementaire, qui mènerait à l’amnistie, à l’oubli, à « pardonner » les collaborateurs, ce qui constituerait sans nul doute un risque de dérive totalitaire au sein même de notre démocratie, et au plus haut niveau de l’Etat qui plus est.

Nous ne pouvons accepter que soient disculpés et indemnisés ceux qui ont, soit eux-mêmes, soit contribué à exécuter les ordonnances nazies et qui ont collaboré avec l’ennemi. Les victimes et les inciviques ne peuvent être mis sur le même pied. Supprimer la peine, c’est nier le crime. C’est d’ailleurs le sens du mot amnistie.

Le premier Ministre, Charles Michel, l’a dit. Et l’a répété. Au MR, personne n’a jamais considéré les choses autrement. Il n’en va pas de même de tous les indignés de cette rentrée parlementaire, nous y reviendrons.

Alors que j’ai consacré une grande partie de mon travail, de ma vie, à la transmission et à la préservation de la Mémoire, j’ai, au nom du groupe MR, déposé entre autres, une proposition de résolution en mai 2011, au Parlement bruxellois visant à rappeler le soutien au nécessaire devoir de Mémoire et l’opposition à toute loi générale d’amnistie. Elle fut votée à la quasi unanimité.

Ce qui m’amène au deuxième point : il ne peut être question d’instrumentaliser l’Histoire dans un débat politicien entre majorité et opposition.
La situation actuelle est à la fois triste et lamentable. En effet, les propos de Jan Jambon et l’attitude de Theo Francken sont inadmissibles et je suis soulagée de voir cet élan de démocratie les condamner car, par le passé, trop peu de voix se sont élevées dans ce même débat. Si certains, comme le président du FDF, se sont toujours exprimé avec force sur le sujet, ce n’est pas le cas des autres. Quand je lis que le SPA s’est associé au PS pour réclamer la démission de Theo Francken – ce qui sera peut-être nécessaire si le Premier ministre le demande – je rappelle qu’en 2011, le SPA a voté la loi sur l’amnistie présentée par le Vlaams Belang. Et que l’ex-président du SPA, S. Stevaert, a soutenu la baronne Kieboom qui demandait un pardon général pour ceux qui se sont compromis avec l’ennemi pendant la Seconde Guerre mondiale. Alors, de quel « sursaut démocratique » s’agit-il aujourd’hui ?

Que le CDH et le PS s’indignent jusqu’à l’hystérie me pose également question. Où étaient ces voix quand elles siégeaient avec le ministre Declercq qui demandait en 2011 que le débat sur l’amnistie soit abordé en « adulte » afin de permettre « d’oublier, parce que c’est du passé ». Ont-ils demandé sa démission ? Le président du PS, alors pré-formateur en 2010, avait marqué son intérêt pour l’amnistie « comme geste de pacification utile dans les négociations à venir » ; ce pourquoi il a rencontré à plusieurs reprises le psychiatre Philippe Van Meerbeeck, partisan du « pardon ». En suite de quoi le PS a clarifié la position d’E. Di Rupo : l’amnistie pouvait faire l’objet de discussions sereines…

Par conséquent, oui condamnons les propos de ceux qui dérapent, offusquons-nous à juste titre des relents nauséabonds quand ils sont exprimés. Je l’ai toujours fait et je continuerai. Mais n’instrumentalisons pas l’Histoire et ses victimes dans un règlement de compte politique.

Enfin, je voudrais dire à mes amis démocrates qu’autant j’apprécie leur soutien fort à la Mémoire, autant je regrette qu’ils acceptent – eux ou leurs compagnons de partis – de marcher sous des drapeaux d’organisations terroristes, de drapeaux remplaçants l’étoile de David par une croix gammée ou aux côtés de ceux qui crient « Mort aux Juifs ».

Car au fond, aujourd’hui pour la démocratie, les deux sont insoutenables et devraient être, systématiquement et également, condamnés fermement.

5 thoughts on “Quel sursaut démocratique?

  1. Je ne m’exprimerai pas quant au fond de l’article. Mais enfin, il est indispensable quand on s’exprime publiquement, de qualifier de manière exacte les personnes auxquelles on se réfère. J’ai bien connu Philippe Van Meerbeek en tant que professeur. S’il est bien psychiâtre, par contre il n’est pas flamand du tout!

  2. Je retiens Madame que et avec une grande déception que vous soutenez le maintien de l’ordure (il n’y a pas d’autres mot qui me viennent à l’esprit pour le désigner) Théo Francken au sen du gouvernement fédéral. J’ai beaucoup de ml à comprendre votre cheminement intellectuel pour justifier cela. Cette ordure est un raciste (c’est indéniable) qui n’aurait pas hésité à vous envoyer à Auschwitz et vous vous prenez sa défense alors qu’il a en plus d’insulter tous les belgo-marocains et tous les belgo-congolais été à l’anniversaire d’un nazi. Je vous croyais moralement honnête et humaine. Quelle déception!

  3. Non M. ou Mme ( anonyme) je n’ai jamais soutenu les propos de M. Francken, il faut lire ce que j’écris et écouter ce que je dis. J’ai dit que ses excuses avaient le mérite d’exister. Qu’à partir de là je ne doutais pas qu’au premier dérapage le chef du gouvernement prendrait les mesures qui s’imposent.
    Mais j’espère que vous ne découvrez pas Bob Maes aujourd’hui, ce type qui a été sénateur soutenant le gouvernement PS-FDF-VU (tout de même en quelque sorte l’ancêtre de la NVA). Vous dire que j’ai eu la chair de poule quand Hugo Schilz (aux sympathies pro-nazies clairement exprimées) est devenu le partenaire de Cools ( PS) dans un gouvernement est un sous-entendu ! Que j’ai dénoncé la présence d’’un ministre négationniste du génocide arménien ( mis et remis en place) par le PS. Que j’ai consacré une grande partie de ma vie au travail de Mémoire ? A la lutte contre le racisme, le sexisme, l’homophobie, l’antisémitisme, …car je suis enfant d’enfant caché et je connais mon Histoire.
    Et vous au fait ? Ou bien cela fait-il partie d’une instrumentalisation pour déstabiliser un gouvernement parce qu’il a choisi un partenaire que le précédent premier ministre avait approché également en mettant même le dossier de l’Amnistie sur la table pour lisser les choses ?
    Certes il faudra être vigilant pour qu’aucun membre de ce parti ne franchisse de lignes rouges, comme tout le monde d’ailleurs dans toutes les formations, y compris ceux et celles qui défilent dans des manifestations sous des drapeaux terroristes en criant ou en laissant crier  » Morts aux Juifs »; il faut savoir de quoi on parle. Je ne trahis pas mes convictions et je ne les trahirai pas.
    Quand tous les partis décident qu’une formation est dans l’enceinte du périmètre démocratique et tente des approches, il est malsain de tirer sur celui qui réussit. Ou alors en 2010 Elio Di Rupo devait clarifier les choses et les démocrates se mettre d’accord sur d’autres bases.
    Mais changer les règles en cours de route car on a perdu, c’est cela qui est décevant et manque cruellement de dignité et d’honnêteté.
    Ma vigilance au contraire reste intacte. Viviane

  4. Oui ,il est de notre devoir de choisir notre camp, que ce soit en tant que démocrate, féministe ,humaniste , lesbienne radicale, etc… Je suis archi-contre le « pardon » , notion religieuse monothéiste qui permet de recommencer les horreurs , malgré la phrase prononcée trop souvent – il ne faudra pas dire que nous ne savions pas !- Ce sont des permissions aux récidives . C’est la même chose avec les violeurs ! Les psychiatres ,les assist.sociaux , etc.. leur trouvent des excuses pour diminuer leur entière RESPONSABILITE ainsi que la préméditation de leurs actes destructeurs .
    Je ne supporte pas les dénis d’où qu’ils viennent. C’ est tout simplement LÂCHE !
    Je pense souvent à une phrase de Jankélévitch (?) qui disait à peu près ceci : « Pardonner c’est permettre à l’assassin de se défaire de son crime ,sans conséquence et , GRATUITEMENT PAR DESSUS LE MARCHE !!!!  »
    Il ne faut PAS oublier les offenses subies .Et toujours en parler ,témoigner ,écrire ,publier. ce n’est pas de la haine ,c’est de la colère bien légitime . Ce n’est pas de la vengeance , mais de la survie dont il s’agit et de la mémoire .
    Donc bravo ,je comprends tout à fait ce texte.

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